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Situation financière

Lundi 1er décembre 1879 ♦ Actualité

La France républicaine donne en ce moment un éclatant démenti à ceux qui prétendaient que le mot de République est synonyme de ruine pour l’État et de détresse pour les particuliers. Autour d’elle, presque tous les États de l’Europe monarchique luttent contre le déficit croissant qui les écrase. La Russie, l’Autriche, la Hongrie, la grande et victorieuse Allemagne elle-même sont presque en détresse financière. En Angleterre, l’équilibre budgétaire est pour le moins compromis, grâce à la politique et aux entreprises de lord Beaconsfield ; en Italie, il n’est qu’une fiction dont les efforts les plus sincères ne parviennent pas ù faire une réalité. Nous ne parlons ni de la Turquie, ni de l’Espagne où la situation financière n’est plus depuis longtemps qu’une situation d’expédients.

Comme contraste à ce tableau, l’exercice 1879 apporte au Trésor français un excédent de recettes qui, au mois d’octobre, s’élevait déjà à 123 millions de francs. La première quinzaine de novembre vient d’y ajouter 12 autres millions, et il est permis d’évaluer sans optimisme à 150 millions le total que ce surplus atteindra à la fin de l’année. Grâce à ce résultat, non seulement la France peut continuer l’œuvre du dégrèvement des impôts, mais le ministère des finances opère par anticipation le paiement de 75 millions de bons du Trésor qui ne venaient à échéance que le 1er septembre 1880.

Et cela se passe après trois années successives de mauvaises récoltes, au moment où la France subit le contre-coup de la crise industrielle et commerciale qui travaille le monde entier depuis plusieurs années et qu’elle avait été longtemps assez heureuse pour éviter.

Battus sur le terrain financier par le démenti sans réplique que leur donnent ainsi les faits, les prophètes de malheur essayent d’exploiter les résultats moins favorables de nos ‘échanges commerciaux. Ils font grand bruit de ce que nos importations de l’année dépassent d’environ 1,300 millions le chiffre de nos exportations. On pourrait se contenter de leur répondre que cette même différence s’élève en Angleterre à 3 milliards de francs, sans que personne songe à en faire remonter la responsabilité au gouvernement ou à déclarer l’Angleterre en péril. Mais il y a une réponse plus directe et plus concluante à leur faire. La France, il est vrai, a dû demander au dehors, pour parer au déficit de ses récoltes, des quantités énormes de céréales ; mais c’est là un phénomène passager en face duquel subsiste son rôle permanent de grande exportatrice. Depuis le commencement de l’année elle a vendu à l’étranger pour 1,445,524,000 francs de produits fabriqués et pour 1,011,639,000 francs de produits naturels et de matières nécessaires à l’industrie. Ce sont les chiffres de nos plus belles années.

Si, à cela, ou :rjoute que le recouvrement des contributions directes est en avance de 54,712,800 francs et que l’impôt sur les valeurs mobilières offre une augmentation de 1,710,000 francs, équivalant à un accroissement de plus de 50 millions dans les revenus, on aura le tableau complet de notre situation et l’on saura ce qu’il faut penser des faux cris d’alarme poussés par les adversaires de la République.

La Nouvelle Revue (Décembre 1879)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.