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Sécurité des voyageurs des chemins de fer

Lundi 1er novembre 1880 ♦ Actualité

A la suite du grave accident survenu sur le réseau de l’Ouest, le 15 août 1879, entre Flers et Monsecret, le ministère des travaux publics institua une commission chargée de procéder à une enquête sur les mesures à prendre pour la sécurité des voyageurs. Après une année de travail, la commission vient d’adresser son rapport au ministre, qui s’est empressé d’en signifier les conclusions aux compagnies de chemins de fer.

La première et la plus radicale des nouvelles mesures ordonnées est la substitution du système usité en Angleterre à celui pratiqué par nos compagnies pour protéger les trains en marche. Au lieu de mettre entre les départs un intervalle de temps, — dix minutes suivant le règlement, — les trains seront à l’avenir séparés par une distance invariable. C’est ce que nos voisins appellent le Block system. Toute la ligne étant divisée en sections de 3 à 5 kilomètres, suivant les exigences du tracé et du trafic, la règle fondamentale est que, dans une section quelconque,il ne doit jamais y avoir deux trains sur la voie. Pour assurer ce résultat, on établit aux extrémités de chaque section des appareils électriques, mis en mouvement par la locomotive elle-même, et disposés de telle sorte qu’un train ne puisse pénétrer dans une section tant qu’un autre train s’y trouve. En ne tenant pas compte du temps, mais seulement de la distance, on n’a plus à se préoccuper des ralentissements, des arrêts accidentels qui exposent deux trains, se suivant de quelques minutes, à se précipiter l’un sur l’autre. Déjà quelques-unes de nos compagnies, celle du Nord notamment, ont mis en pratique le Block system. Le ministre a sagement fait d’en étendre l’application à tout le réseau. D’ici au 1er janvier 1882, il devra être installé sur toute ligne à voie unique où circulent plus de six trains par jour. L’emploi de tels ou tels appareils est laissé à l’appréciation de chaque administration. Quant aux sections d’une fréquentation moindre, le ministre pense qu’on obtiendrait un surcroît de sécurité en faisant usage d’un autre système anglais, dit du Bâton, qui ne nécessite aucun appareil. Dans cette méthode, un train ne peut passer d’une section dans l’autre qu’en laissant à la sortie un bâton reçu à l’entrée.

La commission recommande également l’usage des freins continus, qui permettent au mécanicien et aux garde-freins d’arrêter en quelques secondes, sur un très court espace, un train lancé à grande vitesse. En outre, et cette fois la prescription ministérielle est absolue, les compagnies devront fournir aux voyageurs les moyens de faire appel aux agents du train, qui eux-mêmes devront être en communication avec le mécanicien. Pour prévenir les tentatives criminelles, si faciles’à exécuter dans les compartiments séparés, on établira dans les cloisons d’une même voiture des ouvertures de dimensions restreintes, fermées par des glaces, qui permettront d’être moins isolé.

Le danger qui résulte de la disposition des passages à niveau, des bifurcations, des fausses manœuvres d’aiguille, etc., a été soigneusement prévu et écarté par l’emploi de moyens efficaces que la science fournit aujourd’hui en grand nombre.

En somme, quand la totalité de ces mesures sera strictement appliquée, les causes d’accidents seront diminuées dans une forte proportion ; on aura surtout neutralisé celles qui sont dues aux défaillances du personnel des lignes, et qui sont les plus nombreuses. On cherchait depuis longtemps dans les chemins de fer à rendre le mouvement des signaux et les appareils de toute nature indépendants de la volonté des agents. Le problème se trouve en grande partie résolu par l’emploi combiné du Block system et des appareils électriques dans nos gares et sur nos lignes.

La Nouvelle Revue (Novembre 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.