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Réformes en Algérie

Mercredi 15 septembre 1880 ♦ Actualité

Notre colonie africaine va subir une importante transformation, depuis longtemps suspendue et trop retardée.

La première et la plus grave de toutes les mesures que l’on attendait du nouveau gouvernement de l’Algérie était l’extension du régime civil aux territoires restés sous l’autorité militaire. Les 7 millions d’hectares qui forment, par exemple, la région si fertile du Tell, avec une population de 500,000 habitants sédentaires, fixés au sol, devaient de toute nécessité être soustraits au régime d’exception, si l’on ne voulait interrompre et empêcher l’œuvre de la colonisation. M. Albert Grévy a compris que, sur ce point, il fallait sans retard donner satisfaction aux Algériens. Il a donc fait étudier par les Conseils généraux des trois départements de la colonie un projet de délimitation du nouveau territoire civil, et vient, sur leur avis, de décider qu’une large zone, qui s’étend de la frontière du Maroc à celle de Tunis, sur une superficie de plus de 2 millions d’hectares, serait désormais administrée par les fonctionnaires civils. L’autorité militaire conserve ses pouvoirs sur tout le Sahara, habité par des tribus nomades à la fois pastorales et guerrières ; des incursions périodiques de rebelles y sont sans cesse à craindre et nécessitent une surveillance armée, toujours prête à sévir. Il en est de même de nos frontières, à l’est et à l’ouest, qui restent soumises au commandement de nos généraux.

Dans la circulaire adressée aux préfets avec les arrêtés de constitution des nouvelles divisions administratives, M. A. Grévy ne s’est pas fait illusion sur les difficultés.que cette grande réforme rencontrera au début. Des communes sont à créer ; il faudra leur assurer des moyens d’existence. Les taxes sont à remanier ; l’impôt arabe devra être établi sur des bases équitables ; la perception des revenus publics qui, de longtemps encore, ne pourra se faire sans le secours des chefs indigènes, devra être entourée de toutes les garanties qui lui font actuellement défaut dans les territoires de commandement. Pour faciliter la tâche de l’administration supérieure, il sera nécessaire d’augmenter le nombre des préfectures, ce qui amènera l’accroissement des tribunaux ; on aura de la sorte une meilleure répartition de la justice et de tous les services administratifs. Les communes installées, il faudra donner à la colonisation une impulsion plus vive ; pour cela, des routes, des chemins de fer, des écoles, des hôpitaux devront être rapidement construits. En un mot, c’est la civilisation qu’il faut porter dans une région qui n’a encore connu que la conquête et les usages d’un régime féodal resté en dehors du mouvement contemporain.

La Nouvelle Revue (Septembre 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.