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Réforme des méthodes d’enseignement

Dimanche 1er août 1880 ♦ Actualité

Le conseil supérieur de l’instruction publique a poursuivi, dans une deuxième session tenue ces jours-ci, la réforme des méthodes d’enseignement qu’il avait abordée en-juin dernier. Nous avons rendu compte à cette époque des modifications introduites par le conseil dans le plan général d’études en usage dans nos lycées. L’examen a porté cette fois sur les matières inscrites au programme des classes, de la huitième à la philosophie. L’histoire et la philosophie, les langues vivantes, les sciences, la grammaire ont été tour à tour l’objet d’une discussion approfondie où toutes les opinions se sont librement produites et la compétence de chacun s’est pleinement exercée.

Les décisions adoptées par le conseil ne paraissent pas devoir modifier d’une façon notable les choses existantes. A cet égard, les partisans des réformes radicales ont été déçus. Ainsi les matières réparties entre chaque classe, continueront à être enseignées dans la même proportion et suivant les mêmes règles qu’autrefois. On a fait une part un peu plus large aux langues vivantes, aux sciences naturelles dont les premières notions seront données aux enfants dès la huitième, à la géographie et aux mathématiques. L’histoire sainte a été supprimée, l’histoire des Hébreux devant rentrer dorénavant dans le cadre plus large et plus rationnel de l’histoire des peuples de l’Orient. On a fait une place à l’économie politique. Les origines de la langue et de la littérature française ne seront plus laissées dans l’ombre. Mais, en somme, le plan général a subi peu de changements.

Le conseil a plutôt visé l’esprit que le fond des programmes. Il s’est attaché à ramener l’enseignement au niveau des découvertes qui, dans ce siècle, ont si profondément transformé les points de vue en science, en histoire, en philosophie. Il a surtout voulu introduire dans la pédagogie les règles nouvelles qui tendent à substituer à l’enseignement mécanique, où la mémoire a plus de part que le raisonnement, un enseignement moins routinier, pris davantage dans le raisonnement des faits, laissant au maître et à l’élève un plus libre jeu de leurs facultés. Les programmes ont été revus dans ce sens et rendus plus élastiques. Désormais ils seront pour les professeurs un conseil, un guide, et non un règlement servilement obligatoire.

Suivant l’application qui en sera faite, cette réforme, malgré sa singularité apparente, pourra produire des effets plus considérables qu’on ne serait porté à le croire de prime abord. Si le conseil a laissé persister dans son intégrité le latin et le grec, la façon de l’enseigner a été changée. Avec des professeurs doués d’initiative, la méthode nouvelle qui tend à développer chez l’enfant l’esprit analytique, le goût de la recherche de la raison des choses, peut avoir sur l’éducation nationale une influence dont il est impossible de prévoir la portée. Il faut laisser au temps le soin de nous édifier à cet égard. Quelques années de pratique des nouveaux procédés permettront de dire qui a raison, de ceux qui jugent qu’il faut à l’enfant des moyens purement mnémotechniques, ou de ceux qui veulent exercer dès le premier âge l’intelligence de l’élève en l’éveillant, l’excitant, la tenant en haleine. Il sera également permis alors d’apprécier ét quel degré ce système, qui se préoccupe moins du culte exclusif de la forme, modifiera nos qualités nationales de style, d’ordre et de clarté dans les idées.

La Nouvelle Revue (Août 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.