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Michel Chevalier

Lundi 15 décembre 1879 ♦ Actualité

L’économie politique et la cause de la liberté commerciale viennent de perdre, en M. Michel Chevalier, un de leurs premiers et de leurs plus fervents champions. M. Michel Chevalier avait appartenu à cette phalange excentrique et enthousiaste qui, vers 1830, essaya de faire de la religion saint-simonienne un culte réel, sous le pontificat du Père Enfantin. Il occupait même le rang de cardinal dans la nouvelle Église, lorsqu’un jugement de police correctionnelle contraignit les adeptes à se disperser, et le condamna pour sa part à une année d’emprisonnement. Cet apostolat fantaisiste forme un assez curieux prélude à celui que M. Michel Chevalier devait, par la suite, remplir avec tant de distinction, à l’honneur de son nom et pour le plus grand bien de son pays. Rappelons, au surplus, qu’il n’a pas été le seul homme de mérite et même de haute valeur qui soit sorti de la cohorte des disciples du saint-simonisme. M. Enfantin lui aussi, redevenu simple mortel de par la justice, a fourni une brillante carrière.

C’est d’un voyage fait aux États-Unis, à une époque où l’on n’y allait guère, que M. Michel Chevalier rapporta les larges vues et les hautes idées dont il ne cessa plus d’être le propagateur. Il a pris une part plus grande que personne peut-être à la vulgarisation des théories qui ont fini par triompher dans les traités de commerce de 1860 et qui, aujourd’hui, en dépit de toutes les oppositions, sont devenues pour jamais la base de notre système économique. Après avoir lutté pendant vingt-cinq ans, comme écrivain et comme professeur, il eut l’honneur d’accomplir, de concert avec Cobden, l’œuvre d’émancipation commerciale qu’il avait rêvée et poursuivie avec une infatigable persévérance.

Un autre souvenir encore s’attache au nom de M. Michel Chevalier : celui de la campagne qu’il entreprit en 1848 pour arracher la population ouvrière à l’influence des utopies socialistes de M. Louis Blanc.

Député en 1843, conseiller d’Etat et sénateur sous le second Empire, M. Michel Chevalier ne fut cependant jamais un homme politique au sens actif du mot. Tous les partis peuvent lui rendre l’hommage de reconnaissance et le tribut de regrets qu’il mérite, sans que son nom éveille chez aucun d’eux la moindre arrière-pensée d’antagonisme ou de ressentiment.

La Nouvelle Revue (Décembre 1879)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.