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M. le duc de Gramont et M. Jules Favre

Dimanche 1er février 1880 ♦ Actualité

La mort vient d’emporter, à quelques jours de distance, deux hommes séparés pendant tout le cours de leur vie par leur origine, leur carrière, leur position, leurs idées, et dont pourtant lés noms resteront indissolublement liés l’un à l’autre dans l’histoire, chaque fois qu’il sera question de la guerre néfaste de 1870 : M. le duc de Gramont et M. Jules Favre.

Le premier appartenait à ce ministère au cœur léger qui lança la France dans la plus terrible des aventures. Ce fut lui qui, en qualité de ministre des affaires étrangères, porta et lut à la tribune la fameuse déclaration où le gouvernement impérial jetait à l’Allemagne le gant qu’elle devait relever d’une façon, si tragique pour nous.

M. Jules Favre, appelé par la révolution du 4 septembre à recueillir le fardeau de la lutte engagée et déjà presque sans espoir, devait-en porter les responsabilités et en dévorer les amertumes, depuis l’entrevue de Ferrières jusqu’à la capitulation de Paris et au traité de Versailles.

L’un a donné le signal de notre désastre.

L’autre a été condamné par la destinée à apposer sa signature,à côté de celle de M. Thiers, au bas de l’acte qui nous arrachait, avec l’Alsace et la Lorraine, une rançon de cinq milliards.

En dehors de ce souvenir, d’ailleurs, rien de commun entre les deux hommes. M. le duc de Gramont avait suivi le cours paisible d’une existence diplomatique. M. Jules Favre a passé sa vie au milieu des combats du barreau et de la tribune et sa mémoire restera, dans les annales de nos déchirements politiques, comme celle d’un infatigable champion de la liberté.

Nous avons encore à enregistrer la mort de M. Léonce de Lavergne, qui, sans avoir joué un rôle aussi éclatant, fut un vaillant soldat du parti libéral. Il était du nombre des anciens amis de la monarchie parlementaire qui, après 1870, s’inclinant, devant la force des circonstances et la volonté nationale, ont contribué a fonder la République en lui faisant le sacrifice de leurs anciennes préférences et en lui apportant, avec une loyale abnégation, l’appui de leur nom, le concours de leur expérience et de leur autorité.

La Nouvelle Revue (Février 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.