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Élections de sénateurs le 9 novembre

Samedi 15 novembre 1879 ♦ Actualité

Il y a eu deux élections de sénateurs le 9 novembre. Le département de la Charente avait à remplacer M. Hennessy : il a élu M. le maréchal Canrobert par 314 voix contre 126 données à M. Bellamy, 40 à M. Mathieu-Bodet et 15 voix perdues. Dans les Hautes-Alpes, il s’agissait de donner un successeur à M. de Ventavon. M. Guiffrey, candidat républicain, a été nommé par 140 suffrages, tandis que son concurrent réactionnaire, M. Bontoux, n’en obtenait que 94.

Le maréchal Canrobert apportant au Sénat les mémos opinions que son prédécesseur, rien n’est changé de ce côté. Par contre, M. Guiffrey, en prenant la place de M. de Ventavon. enlève une voix à la droite et en apporte une à la gauche. C’est donc un siège que gagne le parti républicain. La signification et la portée de la double élection du 2 novembre se résument dans cette constatation, qui a toute l’évidence et toute la simplicité d’un chiffre.

Les journaux qui s’évertuent à faire croire, sans y croire eux-mêmes, qu’il existe encore une cause napoléonienne et un parti impérialiste, ont voulu se placer à un autre point de vue. Ils ont affecté de célébrer l’élection du maréchal Canrobert comme un triomphe précurseur d’une ère nouvelle pour le bonapartisme. De leur côté, quelques-uns de nos confrères républicains, agacés par cet essai de manifestation aussi maladroit qu’immotivé, ont pris à partie l’élu de la Charente, rappelé son rôle au 2 Décembre, et demandé si c’était dans l’espoir de lui voir reprendre ce rôle un jour ou l’autre que ses amis célébraient avec tant d’enthousiasme sou arrivée au Sénat. Il en est résulté un débat assez âpre, à travers lequel une feuille légitimiste est venue jeter la note touchante de « l’union conservatrice », en déclarant tout net aux bonapartistes qu’ils n’ont rien à réclamer dans la nomination du maréchal Canrobert, laquelle est bel et bien le fait des amis du Pape et des serviteurs du Roy.

Le public assiste à ces polémiques comme à un passe-temps inotfensif, qui met un peu de variété dans la vie monotone çle la presse quotidienne en temps de vacances parlementaires. Peut-être cependant notre éducation politique n’est-elle pas encore complète sous ce rapport. Elle le sera seulement le jour où nous saurons ne plus nous émouvoir des chants de victoire entonnés par les uns ou des cris d’alarme poussés par les autres, à propos d’un scrutin de quartier, de circonscription ou même de département. Assez d’exemples nous ont appris, depuis dix ans, qu’une élection isolée ne fait pas plus les destinées du pays, qu’une hirondelle égarée ne fait le printemps, Nous avons, malgré cela, besoin de l’apprendre encore davantage.

La Nouvelle Revue (Novembre 1879)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.