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Élections à l’Académie française

Lundi 1er mars 1880 ♦ Actualité

Les élections du 26 février, à l’Académie française, ont été particulièrement laborieuses. On sait qu’il s’agissait de la nomination de deux membres, en remplacement de MM. S. de Sacy et Saint-René Taillandier.

Huit candidats étaient sur les rangs, parmi lesquels trois se portaient concurremment pour les deux fauteuils. Trente-six académiciens ont pris part au vote et il n’a pas fallu moins de six tours de scrutin.

Pour le fauteuil de M. de Sacy, les voix se sont réparties de la manière suivante :

Au premier tour : M. E. Labiche a réuni 15 suffrages ; M. Maxime du Camp, 11 ; M. Ed. Laboulaye, 3 ; MM. Monselet et Wallon chacun 1 ,et M. Jules Barbier, 2.

Au second tour : M. Labiche a obtenu 19 voix; M. Maxime du Camp, 14 ; M, Ed. Laboulaye, 1.

En conséquence, M. E. Labiche a été proclamé élu.

La succession de M. Saint-René Taillandier a été plus vivement disputée encore. Les voix se sont successivement réparties comme suit :

Au premier tour : MM. Laboulaye, 8 ; M. Wallon, 7 ; M. Paul de Saint-Victor, 5 ; M. Maxime du Camp, 9 ; M. Ratisbonne, 1 ; M. Ch. de Mazade, 6.

Au deuxième tour : M. Laboulaye, 8 ; M. Wallon, 7 ; M. Paul de Saint-Victor, 6 ; M. Maxime du Camp, 10 ; M. de Mazade, 3.

Au troisième tour : M. Laboulaye, 8 ; M. Wallon, 8 ; M. Paul de Saint-Victor, 3 ; M. Maxime du Camp, 14.

Au quatrième tour : M. Laboulaye, 6 ; M. Wallon, 5 ; M. Paul de Saint-Victor, 5 ; M. Maxime du Camp, 19.

M. Maxime du Camp est donc resté élu.

L’élection de M. Eugène Labiche est une élection purement littéraire dont on peut, en toute sincérité, féliciter l’Académie ; elle a choisi un écrivain sur lequel d’autres peuvent remporter ; mais un écrivain d’un mérite incontestable.

Il n’en est pas de même pour M. Maxime du Camp. A côté de noms comme ceux de MM. Paul de Saint-Victor et Laboulaye, celui de M. Maxime du Camp n’aurait jamais dû l’emporter et ne serait certainement point parvenu à réunir une majorité, si la politique n’avait exercé en sa faveur l’influence qui, depuis quelque temps, semblait avoi}* à peu près disparu des élections académiques. Dans le bagage littéraire de M. Maxime du Camp, il est un livre qui aurait dû lui fermer les portes de l’Institut, parce que ce livre est une œuvre de passion rancunière destinée à perpétuer en les exaspérant les plus douloureux souvenirs de notre histoire contemporaine. Il y a malheureusement lieu de supposer, au contraire, que c’est précisément ce livre qui a fait son élection, en lui conciliant les bonnes grâces de M. le duc de Broglie et les voix dont il dispose.

Il n’est peut-être pas sans à-propos de rappeler, à ce sujet, que la discussion des titres des candidats, qui précédait jusqu’ici les scrutins, a été supprimée par une décision de l’Académie, prise il y a un mois environ, sur la proposition de M. Caro.

La Nouvelle Revue (Mars 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.