Gaule.com
Gaule.com

Dénouement paisible des grèves parisiennes

Lundi 1er novembre 1880 ♦ Actualité

Comme on pouvait en avoir la confiance dès le début, la double grève des ouvriers et des fabricants ébénistes de Paris, déclarée l’une contre l’autre, n’a pas tardé à se résoudre d’elle-même. La question de salaire a été réglée, aussi bien que la question de régime et d’organisation qui avait fourni la première occasion de désaccord, sans qu’il y ait eu l’ombre de tumulte ou même d’altercation tendant à la violence. Les rapports mutuels sont restes ce qu’ils étaient auparavant et n’ont pas gardé trace de ce dissentiment momentané, portant exclusivement sur des affaires d’intérêt, que l’on a discutées de part et d’autre avec une constante et sage mesure.

Ce dénouement paisible d’une crise qui avait, à l’origine, éveillé des appréhensions et provoqué des prédictions de désordre, en raison du milieu où elle se manifestait, ne nous surprend pas. Nous sommes persuadés qu’il en sera toujours ainsi lorsque les intérêts seront seuls en présence, sans immixtion d’agitateurs malsains et sans ingérence inopportune de l’autorité. La grève des manufactures de Roubaix et de Lille, beaucoup plus complexe a un moment que celle de Paris, est faite encore pour nous donner raison.

On peut espérer une issue semblable dans le bassin houiller de Denain, où les mineurs viennent en grande partie de suspendre le travail. Il s’agit ici, à la vérité, de la plus remuante de nos populations ouvrières, placée dans des conditions à part, vivant d’une vie exceptionnelle, ayant dans son existence même des causes de ressentiments plus faciles à exciter, plus lents à calmer. Malgré tout, l’entente se rétablira, comme elle s’est déjà rétablie précédemment. La grève, au surplus, paraît porter moins sur le prix de la journée que sur la répartition du travail et sur la manière d’en tenir compte. C’est une raison pour faire envisager le différend comme plus aisé à arranger.

De toutes manières, ces commotions inévitables, qui reviennent forcément avec une certaine fréquence dans la vie des populations travailleuses, ont perdu leur ancien caractère ; ce sont des conflits qui s’élèvent et non plus des luttes qui s’engagent ; elles peuvent encore être un trouble social momentané, elles ont cessé d’être un danger et une perturbation.

La Nouvelle Revue (Novembre 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.