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Décès de Victor Borie

Jeudi 15 juillet 1880 ♦ Actualité

M. Victor Borie, maire du VIe arrondissement de Paris, a succombé ces jours derniers à une attaque d’hémiplégie. Sa santé, chancelante depuis quelque temps, n’a pu résister aux fatigues d’une cérémonie qu’il avait eu à cœur de célébrer lui-même. Il est mort, on peut dire, victime de son devoir, M. Borie avait été l’artisan de sa fortune. Pas un seul instant, aux différentes étapes de sa carrière, il n’avait hésité à faire ce que sa conscience et les circonstances lui dictaient. L’accomplissement du devoir avait été la règle invariable de toute sa vie.

De bonne heure, il s’était voué à la défense des idées libérales. Soit en province sous l’inspiration de George Sand, soit à Paris dans les différents organes de la presse indépendante, il a constamment lutté pour le triomphe de la liberté, payant parfois de la prison ce que sa sincérité avait de déplaisant pour les gouvernants. Sa connaissance approfondie des questions économiques et agricoles ajoutant l’autorité d’une compétence indiscutable à la vivacité de sa polémique, ses attaques contre les abus du pouvoir n’en étaient que mieux dirigées.

Cette connaissance des choses de la finance et de l’agriculture, que M. Borie possédait à fond, lui avait valu d’être choisi par M. Edmond Adam pour le remplacer comme secrétaire général du Comptoir d’escompte. Ses hautes capacités d’administrateur le firent choisir également par M. Hérold, à l’arrivée de ce dernier à la préfecture de la Seine, pour les fonctions de maire d’un des plus importants arrondissements de Paris. Les administrés de M. Borie n’oublieront jamais quel fut son dévouement pendant les froids rigoureux du dernier hiver ; ils eurent souvent l’occasion de le voir mettre en pratique une de ses maximes favorites : « La charité n’a pas d’opinion. »

La mort de M. Victor Borie a causé d’unanimes regrets. La Nouvelle Revue perd en lui un ami de la première heure, dont les conseils lui avaient été précieux au début, et qui, depuis, suivait avec sollicitude le développement de son succès.

Le jour même où l’on célébrait les funérailles de M. Victor Borie, une mort soudaine enlevait en quelques heures le docteur Paul Broca. Agé seulement de cinquante-six ans. M. Paul Broca avait conquis dans le monde scientifique une place qui sera difficilement remplie. L’anthropologie, en particulier, lui est redevable de progrès tels, que la postérité pourra sans exagération lui attribuer le mérite d’en avoir été le créateur. Dès à présent les anthropologistes de tous les pays le reconnaissaient comme leur maître.

Membre de l’Académie de médecine depuis 1866, le docteur Broca avait été élu sénateur inamovible le 5 février dernier ; quelques heures avant de mourir, il avait pris part à la séance du Sénat.

La Nouvelle Revue (Juillet 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.