Gaule.com
Gaule.com

Concours artistiques

Dimanche 15 février 1880 ♦ Actualité

Le plus important des concours artistiques que la ville de Paris ait organisés jusqu’ici a été jugé le 1er février. Le programme ne comprenait pas moins de six séries de travaux considérables, à exécuter dans les mairies des IIe, XIIe, XIIIe et XIXe arrondissements et dans les écoles de la rue Château-Landon et de la rue Dombasle. Ce concours a été très intéressant. Le mérite relatif des œuvres dont il a provoqué la production, le chiffre considérable des artistes de talent qui y ont pris part, prouvent que nos prévisions et nos souhaits n’étaient point aussi illusoires qu’on le prétendait. Les nombreuses abstentions que nous avions eu le regret de constater dans les premiers concours diminuent sensiblement; il est évident que les artistes reviennent peu à peu de leurs préventions injustes à l’égard de ce système dont certains inconvénients inévitables paraissaient les préoccuper plus que les avantages nombreux et incontestables qu’il présente pour eux, pour le public et pour l’administration municipale.

La première série comprenait un plafond, six grands panneaux et trois médaillons pour la salle des Mariages. Le verdict du jury a répondu assez exactement aux jugements que paraissaient porter la presse et le public. MM. Gervex et Blanchon, auxquels a été décernée la première prime, ont représenté, dans des esquisses d’un coloris très vigoureux et d’une certaine originalité de conception, des scènes consacrées au mariage, à la naissance, à des institutions communales populaires, au bureau de bienfaisance, à l’école d’adultes, à l’industrie et au commerce du quartier de la Villette. Leur projet se distinguait d’une façon évidente, de tous ceux de leurs concurrents, par des qualités sérieuses et.une verve de bon aloi. Les esquisses de M. Lévy, le second lauréat, retraçaient toute la . série des préliminaires et des cérémonies du mariage dans l’antiquité romaine; on pouvait, avec raison, critiquer l’anachronisme de ces compositions ; mais on était séduit par la délicatesse du coloris, le charme des scènes représentées et une habileté peu commune.

M. Besnard, proposé en troisième lieu pour prendre part à la seconde épreuve, avait eu l’heureuse idée d’encadrer les sujets de ses esquisses dans une bordure de tapisserie d’un excellent effet décoratif, qui en dissimulait la banalité et la médiocrité. M. Herpin, dans ses vues des buttes Chaumont, du port de la Villette, dont il a fait les sujets principaux de sa décoration, s’est montré un paysagiste très habile et très délicat ; mais le jury, comme la plupart des critiques d’art, a craint sans doute qu’agrandis à l’échelle exigée par le règlement, ses paysages ne conservassent point toutes leurs qualités, ce charme poétique, ce coloris blond et roux qu’il leur donne.

Les autres mentions honorables ont été accordées à MM. Maillart, Debat-Ponson, Monchablon, Roubaudi et Millier.

Moins importantes, les séries de travaux pour les mairies du XIe et du XIIe arrondissement ont réuni moins de concurrents et n’ont point donné les résultats constatés dans la première série.

Quant aux projets pour la mairie du XIIIe arrondissement, le jury n’a cru devoir décerner ni primes ni mentions : faire un choix parmi tous ces projets d’une diversité rare dans la médiocrité et la vulgarité n’était en effet point possible. Trente artistes environ ont concouru pour la décoration de la salle de dessin de la rue Dombasle et celle de l’école de la rue Château-Landon. Les résultats ont dépassé toute attente ; ce concours artistique aurait produit le projet seul de M. Jules Didier qu’il n’aurait point été inutile.

Le projet de décoration dont cet artiste a emprunté les motifs aux scènes de la vie agricole et champêtre, est une œuvre du plus grand mérite, pleine d’originalité et de simplicité grandiose.

La Nouvelle Revue (Février 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.