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Budget de l’Assistance publique

Mercredi 15 octobre 1879 ♦ Actualité

Le budget de l’Assistance publique à Paris, pour 1880, vient d’être arrêté par le conseil de surveillance de cette administration. Il comprend, déduction faite de certaines dépenses d’ordre et des travaux neufs de construction, une dépense totale de 25,665,100 fr., qui sera couverte, jusqu’à concurrence de 12,818,700 fr., par une subvention de pareille somme fournie par la Ville de Paris, et, pour le surplus, par les revenus propres à l’Assistance publique.

Il ne faut pas considérer que cette somme de 25,655,100 fr. représente le montant des secours de toute nature officiellement distribués aux pauvres de Paris. Les frais d’administration et d’entretien des hôpitaux et hospices s’élèvent, avec les frais généraux de l’administration centrale, à plus de 20 millions, et permettent de recevoir et de traiter annuellement une population de 114,965 malades ; tandis que le chapitre des secours à domicile se chiffre par 4,434,900 fr., répartis entre 113,317 indigents.

Du rapprochement de ces deux derniers chiffres, on devrait conclure que la moyenne du secours annuel alloué par les bureaux de bienfaisance est de 37 fr. 64 c. par indigent ; mais cette appréciation, comme la plupart de celles qui sont fondées sur des moyennes, serait entachée d’erreur.

En effet, la somme mise annuellement à la disposition des pauvres se compose de deux éléments, l’un appartenant en propre au bureau de bienfaisance, l’autre provenant de la caisse centrale de l’Assistance publique. A raison d’une législation vicieuse, dont la réforme est réclamée instamment depuis bien longtemps, chacun des bureaux de bienfaisance de Paris a son existence propre et consacre spécialement aux pauvres de son arrondissement toutes les sommes, quelles qu’elles soient, qui lui sont versées ou qu’il recueille par quêtes, collectes, bals, etc.

Il en résulte que la classe riche étant agglomérée dans quatre ou cinq arrondissements et envoyant ses libéralités au bureau le plus proche, la généralité de ces dons se trouve profiter presque exclusivement à quelques bureaux de bienfaisance seulement. C’est ainsi que le bureau de bienfaisance du 9e arrondissement, le plus riche de tous et un de ceux qui comptent le moins d’indigents (2,393), distribue, au moyen de ses ressources spéciales, 117 fr. 76 c. par famille, ou 58 fr. 35 c. par individu, alors que le 20e arrondissement, le plus pauvre, qui renferme 10,508 indigents et qui est, comme on pense, beaucoup moins favorisé sous le rapport des dons et quêtes, ne peut donner de son propre fonds que 2 fr. 05 c. par tête d’indigent.

L’Assistance publique ajoute aux ressources propres des bureaux un fonds subventionnel ainsi composé :

Subvention en pain........................ 684,000 fr.
Subvention en combustible...................24,000
Subvention extraordinaire..................500,000
Total....................................1,208,000 fr.

Les subventions en argent représentant les allocations pour bons de pain et combustibles,sont actuellement réparties entre les vingt arrondissements, sans tenir compte de l’inégalité de leurs ressources propres et en prenant uniquement pour base le nombre des unités indigentes de chaque arrondissement, ce qui ne change rien à l’inégalité que nous avons signalée. La subvention extraordinaire, seule, de 500,000 fr., est employée à remédier à cette inégalité : il n’est donné d’y participer qu’aux arrondissements dont le quantum est inférieur à la moyenne générale de 37.64 que donne le calcul pour tout Paris. Ces arrondissements, où les indigents sont réduits à 37.64 par tête, sont les 5e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 17e, 18e, 19e et 20e.

Depuis quelques années, le conseil municipal a manifesté le vif désir de voir élever cette maigre allocation. Le budget de 1880 permettra d’atteindre ce résultat, grâce à un excédent de recettes provenant du produit considérable réalisé par le droit des pauvres pendant l’Exposition universelle de 1878, et grâce à une innovation proposée par M. Michel Moring, directeur de l’Assistance publique.

Tandis qu’actuellement l’inégalité n’est atténuée que par la subvention extraordinaire de 500,000 francs, elle le serait à l’avenir par la répartition, faite dans le même but et dans les mêmes conditions, non seulement de cette subvention, mais encore des deux subventions en pain et en combustible réunies, en un mot, de tout le fonds subventionnel montant à 1,208,000 francs.

A l’aide de ces deux ressources nouvelles, la moyenne de secours par unité indigente, qui n’est actuellement que de 37 fr. 64 c., comme on l’a vu plus haut, se trouverait portée à 50 francs dans les arrondissements les plus pauvres.

Ce ne sera pas encore la disparition de l’inégalité, mais ce sera du moins un relèvement considérable que la population indigente de Paris appréciera comme un bienfait.

La Nouvelle Revue (Octobre 1879)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.